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Chimères
Amandine Gollé, avec le prêt des oeuvres des artistes,
Sarah Battaglia, Murielle Belin, Émilie Chaix,
Gaëlle Chotard, Lionel Sabatta

Co-commissaire : Vincent Verlé

du 14 au 30 septembre 2018

Amandine Gollé travaille à la frontière entre le minuscule et le monumental. Sensible aux formes étranges, aux matériaux naturels qui attirent et repoussent à la fois, elle a fait de l’insecte un de ses sujets d’attention et d’expérimentation.

À partir de sa collection de coléoptères et de plumes, elle a composé un bestiaire, ses Chimères emplumées. Elle révèle les qualités plastiques de ces éléments, fragments d’animaux choisis pour l’attractivité qu’ils exercent, pour leur douceur extrême, leur iridescence ou leur brillance. Elle travaille sur leur forme, leur volume et leur structure. En associant ces matériaux issus de deux mondes, elle donne vie à d’étonnants petits êtres. Et, dans des contenants transparents, ils semblent en suspens, entre l’état de pause et l’envol. Ils apparaissent fragiles et en même temps pleins de puissance. Protégés, ceux-ci sont également pris au piège. Ce dispositif qui rappelle celui des cabinets de curiosités leur confère une aura précieuse et merveilleuse.

Ces créations, entre réalité et imaginaire laissent croire à une véritable faune ou invite à se souvenir d’images apparues en songe. Amandine Gollé nous convie à regarder autrement ces animaux pour lesquels on peut ressentir une peur mêlée de fascination.

Afin de faire émerger des images issues de son imagination, elle explore avec soin différents matériaux.

Des sculptures, totems, réalisées en cuivre martelé évoquent de grandes herbes. Ces œuvres se rattachent à la terre, au sol, espace des vivants et appellent vers le ciel, le monde des esprits et des croyances. Elles paraissent dotées d’une énergie tellurique qui les pousse à s’ériger. Ces formes font penser à de possibles végétaux rencontrés lors de promenades. Ces sculptures sont également une fusion du masculin et du féminin.

Et puis, un autre voyage est proposé aux visiteurs. Tapi dans l'ombre, un nuage composé d’élytres, cette matière irisée, suscite l’émerveillement. Pétales de fleurs ou peaux d’insectes, cette installation appelle à rêver, à se laisser porter vers les cieux.

De son attention envers les petits éléments de la nature, Amandine Gollé propose de porter son regard au loin, vers l’univers qui nous dépasse. L’artiste évoque l’infinité de possibilités que lui permettent les différents matériaux, à la fois fragiles et robustes qu’elle emploie.

Pour faire écho à cette forêt peuplée d'insectes, un choix d’œuvres d’artistes constitue le cabinet de curiosités enrichissant cette exposition.

Sarah Battaglia cultive elle aussi l’ambiguïté, la tension entre la répulsion et la fascination envers le vivant. À partir de débris, de restes, d’éléments aux textures friables, elle s’attache à développer les potentialités des matériaux. Sa pièce en os de sèche gravé capte le regard. “Inquiétante étrangeté”, cette sculpture fait songer à un fétiche, objet trouvé, sculpté, transformé, pourvu d’une certaine magie. Ces deux artistes éprouvent un intérêt commun pour les matières issues de la nature, qui renvoient vers des moments vécus, vers des voyages. Plaisir d’une rencontre, d’un choix, d’en faire son grigri, son porte-bonheur.

Lionel Sabatté redonne vie à de petites créatures en utilisant la matière naturelle et les rebuts du quotidien. À proximité des Chimères emplumées, attirant elle aussi de loin par ses couleurs somptueuses, Sombre réparation, intrigue lorsque l’on s’en approche : un papillon abimé est réparé à l’aide d’ongles et de peaux mortes. Cette œuvre résonne avec l’univers d’Amandine Gollé et son attirance pour la diversité des substances qu’on peut trouver dans la nature. Cette création évoque le processus de métamorphose, la relation entre différents mondes, ici celui de l’homme et de l’insecte.

Émilie Chaix puise dans son répertoire d’objets et de matières pour composer des sculptures, à la fois fascinantes et inquiétantes, où s’entremêlent de multiples éléments, des organismes, humains, végétaux et animaux. Tel un fétiche, Famille semble pourvue d’une certaine puissance, ensorcelante. Cette œuvre renvoie vers des contrées éloignées, vers une époque primitive, vers des paysages nocturnes dans lesquels la nature nous joue des tours. Elle réveille nos peurs de l’enfance et complète la collection de créatures merveilleuses d’Amandine Gollé.

Murielle Belin crée des créatures qui semblent surgir de contes, de récits qui nous incitent à la fois à rêver et à plonger dans un univers plus sombre. Le baiser, un couple d’oiseau perché sur une balançoire, rappelle ces animaux fabuleux, ou disparus qui peuplent les collections des muséums d’histoire naturelle. Cette sculpture, teintée d’une certaine tendresse, fait remonter à la surface des réminiscences d’images séduisantes et envoûtantes. L’homme et l’animal ici unis révèlent, pour l’artiste, notre nature humaine. Murielle Belin attire notre attention sur la condition de l’animal, fragile et dont on peut être si proche.

Gaëlle Chotard travaille le fil métallique avec patience, le tisse, crée des nœuds, plus ou moins denses ou lâches pour réaliser des pièces allant du microcosme au cosmos. Suspendue en lévitation, son œuvre suggère à la fois une planète, un contenant qui, à travers de ses mailles, accueillerait de possibles êtres et une arborescence. Système vivant qui pourrait s’étendre et se déployer dans l’espace, elle répond au processus de croissance et au flux vital présents dans les œuvres d’Amandine Gollé. La répétition d’un même geste lui permet en effet une plongée dans ses pensées : plus elle façonne ses matériaux, plus elle en fait surgir des sensations vécues et des moments d’observation du monde qui nous entoure.

Ainsi, ce choix d’œuvres tisse nombre de nouvelles images et interprétations. Du tout petit s’ouvre une infinité de formes possibles. Rêverie, plaisir de se laisser porter par la puissance d’évocation qu’on peut trouver dans les moindres éléments et organismes issus de la nature fondent l’ensemble des créations d’Amandine Gollé.

Pauline Lisowski

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