De la matière comme paysage
hôtel d'Haussonville, Nancy
9 juillet-7août 2016
Des matériaux peuvent être supports d'imagination, d'évocation de lieu. Ils
incorporent des traces du temps. Et de ces inscriptions émergent de nouveaux
univers. Sarah Monnier et Guillaume Cochinaire explorent les multiples potentialités
qu'offrent ce processus.
Sarah Monnier expérimente des techniques d'impressions pour faire surgir
des paysages. Elle utilise des matériaux bruts, pauvres, du quotidien, de
construction, les travaille de façon charnelle pour mettre en lumière leurs qualités
plastiques. À l'aide de grains de riz, elle a créé des gaufrages qui font apparaître des
formes, possibles cartes des territoires d'outre-mer. Présentées sur une structure
proche d'une sculpture, ses oeuvres sur papier, à la limite du perceptible, révèlent
ces pays qui disparaissent. Le tas de riz suggère une certaine fragilité. L’oeuvre
Essuyer les Plages présente des lignes, des horizons, un paysage entre ciel, eau et
terre. Le contact de l'encre avec le plâtre, comme par alchimie, a donné naissance à
ce paysage fugitif.
Le matériau noble est vecteur de récits dans les oeuvres de Guillaume
Cochinaire. La Mystérieuse disparition de Miranda Suarez forme une énigme. Le
plateau d'une table en schiste a amené l'artiste à dessiner une carte. L'installation
laisse imaginer l'histoire d'un explorateur. Le personnage évoqué renvoie à un
passage d'une nouvelle de Jorge Louis Borges, qui fait référence à l'histoire de la
science de la cartographie. Cette installation conjugue un jeu entre cette matière
comme surface de projection et la carte comme support de représentation et
d'imagination d'un territoire. Au sol, Géode semble avoir subi l'effet d'un brusque
événement. Des fragments de marbre, marqués de lignes, recomposent un minéral.
Ces dessins sont en réalité le travail d'insectes. La sculpture incarne plusieurs
temporalités, le témoignage d'un événement et un processus qui pourrait se
poursuivre. Ces éléments renvoient également à de possibles paysages ou
architectures.
Sarah Monnier et Guillaume Cochinaire développent ainsi une relation
sensible avec leurs matériaux. Ceux-ci acquièrent une histoire et amènent vers
d'autres récits. En les transformant, les artistes en relèvent leurs propriétés
physiques. Au delà, ils invitent à regarder autrement le monde et les objets qui nous
entourent.
Pauline Lisowski